Recherche sur la COVID-19 – Questions et réponses : Dr David Fisman
Le Dr David Fisman et son équipe se servent de modèles mathématiques et statistiques pour mieux comprendre l’épidémie de COVID-19. Découvrez comment d’autres pays utilisent la modélisation de la COVID-19 mise au point au Canada.
Le Dr David Fisman, MD, FRCPC, est épidémiologiste et professeur à la Dalla Lana School of Public Health et médecin en exercice au Réseau de santé universitaire, à Toronto. Dans le cadre d’un programme des IRSC visant à financer une intervention de recherche rapide contre la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19), le Dr Fisman a reçu une subvention pour approfondir la compréhension de la pandémie.

Le Dr David Fisman
Dans quel contexte s’inscrivent vos travaux actuels et quels sont vos objectifs?
Notre équipe de médecins, d’épidémiologistes, de professionnels de la santé publique et de statisticiens possède une vaste expérience de la lutte contre des éclosions passées, notamment le SRAS, la grippe H1N1 et le virus Ebola. Pour ce projet, nous avons fait appel à la modélisation mathématique et statistique pour accomplir trois objectifs : prévoir l’évolution de l’épidémie à court terme; mieux comprendre les facettes de l’épidémie qui sont plus difficiles à mettre en évidence parce qu’elles sont désordonnées ou bruitées; et réaliser des simulations pouvant orienter les agences de santé canadiennes tentant de freiner la propagation de la COVID-19 au Canada.
À quel stade de votre recherche en êtes-vous?
Nous avons publié en mars une prévision à court terme qui, je crois, a provoqué suffisamment de peur chez les décideurs pour les convaincre d’ordonner un confinement, une mesure qui a prouvé son efficacité et certainement permis de limiter la propagation du virus. Actuellement, nous publions tous les matins une prévision que nous transmettons à nos collègues de l’Ontario et à l’échelle nationale. Comme nous fonctionnons hors de la portée du gouvernement, les responsables des orientations politiques apprécient notre regard extérieur sur les données.
Que voulez-vous dire par « données désordonnées »?
Presque toutes les facettes d’une pandémie sont désordonnées. Si des cas apparaissent en Ontario, nous devons découvrir pourquoi. Certains concluront à l’insuffisance de tests de dépistage, alors que d’autres les attribueront aux rassemblements en plus grands groupes à la fête des Mères. Notre travail est de trianguler les données provenant de diverses sources, de les examiner sous différents angles et d’effectuer une série de calculs mathématiques pour en dégager le sens et découvrir ce qui a fait augmenter les résultats positifs. Par exemple, nous croyons que les célébrations de la fête des Mères ont en effet contribué à gonfler le taux de reproduction en Ontario durant la semaine du 25 mai.
Quelles leçons tirez-vous des expériences vécues dans d’autres pays, et vice versa?
Nous sommes désormais munis d’une version en ligne de notre modèle et nous comparons nos notes avec des épidémiologistes des maladies infectieuses de la Belgique, de l’Irlande et de la Corée. Les Irlandais se servent de notre modèle pour étudier la capacité de leur système de santé, et j’ai discuté de nos modèles de prévision avec le premier ministre de la Corée du Sud. Nous avons également participé à un symposium international en compagnie de la vice-première ministre Chrystia Freeland, qui a posé des questions extrêmement pertinentes et intelligentes. Nous pouvons être très fiers du travail accompli au Canada en ce qui concerne la COVID-19.
À quoi peut-on s’attendre dans le dossier de la COVID-19?
Premièrement, si une personne vous dit qu’elle est certaine de quoi que ce soit en lien avec la COVID-19, elle vous ment ou elle se ment à elle-même. Cela dit, il est assez clair que nous devrons modifier nos comportements pour un certain temps. Même si les statistiques s’améliorent cet été, nous pensons que la valeur R augmentera probablement à l’automne et à l’hiver. Autrement dit, nous avancerons en terrain miné pendant quelques mois.