Se tenir sur la corde raide : Témoignage du « Doc McLaren » sur le sauvetage des troupes de l’ONU au Mali

Le 13 mars 2019 | Auteur : Personnel du Collège royal
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C’était la fin.

Alors que le Andrew McLaren, MD, FRCPC, adoptait la position de sécurité, l’hélicoptère CH-147F Chinook plongeait rapidement vers sa perte. Le monstre de 17 tonnes a frappé la surface de l’eau, vacillé un moment puis il s’est renversé, ne pouvant plus supporter le poids des deux moteurs.

Le choc de l’eau glacée était insupportable, mais il s’était déjà retrouvé dans la même situation. En quelques secondes à peine, il s’est orienté puis il a cherché un moyen de s’échapper de l’hélicoptère sens dessus dessous.

… sauf que le Dr McLaren n’a jamais quitté le sol.

Entraînement intense pré-déploiement

Le Dr McLaren (« Doc McLaren » sur le terrain) prenait part à une formation en techniques d’évacuation sous l’eau, un module du programme de formation intensive sur les systèmes de survie et la sécurité offert avant son déploiement au Mali avec une équipe de sauvetage par hélicoptère, à l’été 2018.

Interniste-intensiviste à Nanaimo (C.-B.), le Dr McLaren se décrit comme un être « quelque peu hybride ». Grâce à sa vaste expérience en traumatologie et en sauvetage, il était le choix tout indiqué pour devenir responsable médical de la roto 0 (première rotation) de l’Opération PRESENCE — une mission canadienne d’un an ayant pour but d’évacuer des forces de l’ONU par les airs pour des raisons médicales, et ce, en tout temps, dans le cadre de la mission des Nations Unies pour assurer la paix au Mali.

Note : Le Dr McLaren est en fait le « major McLaren » dans les Forces armées canadiennes, mais il a choisi de se faire appeler « Dr McLaren » aux fins du présent article.

Des montagnes au champ de bataille par la voie des airs

Le Dr McLaren a grandi en banlieue de Vancouver. Attiré par les montages dès sa tendre enfance, il s’est vite intéressé au sauvetage en montagne. Il a d’abord songé à devenir professionnel paramédical, mais un voisin (lui-même un professionnel paramédical chevronné en C.-B.) a influencé son choix de carrière.

« Je me suis toujours intéressé aux soins préhospitaliers en milieu austère. Il m’a dit : “Tu devrais plutôt t’inscrire à l’école de médecine; tu pourras faire ce que tu veux plus vite qu’en évoluant dans le monde paramédical.” Il m’a convaincu d’étudier en médecine, mais je me suis quand même intéressé de près à tout ce qui touche le sauvetage et les soins préhospitaliers durant ma formation. »

Major Andrew McLaren au Camp Castor à Gao, au Mali

Major Andrew McLaren au Camp Castor à Gao, au Mali, le 27 octobre 2018. Photo : Caporal Ken Beliwicz © DND-MDN Canada, 2018

Après un stage de perfectionnement en soins intensifs à London, en Ontario, il est parti à Londres, en Angleterre. Il a accepté un poste au HEMS, un service de soins médicaux d’urgence par hélicoptère géré par le service d’avion-ambulance de Londres.

Le HEMS permet aux traumatologues et au personnel paramédical d’intervenir rapidement et de transporter les patients d’une situation d’urgence vers l’un des hôpitaux d’accueil desservis par l’autoroute M25 en périphérie de Londres. Compte tenu de la densité de la population et des hôpitaux, les décisions peuvent se prendre à l’avance et rapidement; c’est d’ailleurs un important facteur de réussite de ce modèle de soins préhospitaliers civil.

Il n’est donc pas surprenant que les Forces armées canadiennes aient songé à adapter ce concept en zone de combat.

La MERT, l’équipe médicale d’intervention d’urgence du Royaume-Uni déployée en Afghanistan, utilise un modèle similaire. Le Canada s’en est donc inspiré pour créer sa propre version, l’Équipe médicale canadienne d’intervention d’urgence (EMCIU) — le projet qui enverrait éventuellement le Dr McLaren au Mali.

Équipe de réanimation dirigée par des médecins

L’EMCIU a été mise sur pied, il y a plusieurs années, pour favoriser les soins avancés et la prise de décisions en milieu hostile. Une fois l’équipe formée, l’Opération PRESENCE a été annoncée; il s’agissait du tout premier déploiement de l’EMCIU.

Avec le concours de l’EMCIU, le Canada soutient la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). En cas de besoin, l’équipe de professionnels médicaux se rend sur place, évacue les patients et assure leur réanimation en vol. Comme elle intervient dans des délais plus brefs pour offrir des services de réanimation de sauvetage, elle assure aussi une sécurité accrue et permet aux troupes au sol de poursuivre leurs efforts pour assurer la paix.

Exercice d’évacuation médicale

Déployée dans le cadre de la MINUSMA, la force opérationnelle au Mali a mené un exercice d’évacuation médicale le 3 octobre 2018 pour évaluer son état de préparation dans l’évacuation d’un soldat blessé pendant la mission à Gao. Photo : Lieutenante (marine) Melanie Aqiqi © DND-MDN Canada, 2018

« Non seulement l’EMCIU permet au patient d’avoir accès à un médecin plus rapidement, mais elle offre aussi des produits sanguins de grande qualité et une salle de réanimation sur place », ajoute le Dr McLaren. « Ces éléments sont inestimables. »


L’EMCIU en bref

  • Hélicoptères : CH-147F Chinook et deux CH-146 Griffon (déployés en groupe)
  • Équipe de quatre personnes : médecin en soins intensifs, infirmier en soins intensifs et deux techniciens médicaux
  • Déploiement : Gao, au Mali (juillet 2018 à juillet 2019)
  • Caractéristiques particulières :
    • Prise de décisions préalables et rapides par un traumatologue
    • Produits sanguins transportés sur place dans « l’heure critique »
    • Salle de réanimation au chevet du patient : chargée, déchargée, utilisée

Mon rôle au Mali

Le Dr McLaren a été déployé au Mali en juillet 2018. Il a dirigé le groupe 2 de l’EMCIU jusqu’à la fin de l’année, puis il est rentré en janvier 2019 pour former le groupe (roto 1) déployé pour la deuxième partie de la mission.

« Le taux d’humidité était incroyablement élevé — supérieur à 80 % — durant notre premier mois au Mali; il était donc très difficile de s’acclimater, mais surtout de s’entraîner et de travailler », explique le Dr McLaren, qui a déjà été confronté au climat du désert et de la savane durant ses missions à Kandahar, en Haïti et en Sierra Leone. « Nous pouvions boire jusqu’à 15 litres d’eau par jour. »

Son équipe a alterné les journées de garde pendant six à sept mois.

Durant les journées de garde, il fallait être prêt à intervenir dans les 15 minutes. Dès le petit matin, les membres de l’équipe se lançaient dans les préparatifs; ils recevaient les ordres, s’informaient de la situation à l’extérieur du campement, préparaient l’appareil et chargeaient l’équipement à bord.

 L’équipe médicale canadienne transporte à bord d’un hélicoptère CH-147F Chinook un patient standardisé néerlandais (mannequin) dans le cadre d’un exercice d’évacuation aéromédicale

Photo modifiée pour des raisons de sécurité opérationnelle. L’équipe médicale canadienne transporte à bord d’un hélicoptère CH-147F Chinook un patient standardisé néerlandais (mannequin) dans le cadre d’un exercice d’évacuation aéromédicale de la MINUSMA lors de l’opération PRESENCE-Mali, le 10 octobre 2018. Photo : Caporal Ken Beliwicz © DND-MDN Canada, 2018

Pour être en mesure d’offrir des soins efficaces à bord d’un hélicoptère en vol, le Dr McLaren et ses coéquipiers devaient s’attacher au plancher et se déplacer calmement pour éviter de s’emmêler. Ils communiquaient ensemble au moyen d’un système de langage corporel et d’intercom. L’équipement était fixé à des sacs spécialement conçus pour se protéger du vent. Ils stockaient les déchets dans des sacs déroulables fixés à leurs vestes.

Des membres de l’équipe médicale au sein de l’équipage de l’hélicoptère CH-147 Chinook utilisent un échographe portatif pour évaluer l’état d’un pseudo blessé néerlandais (mannequin) lors d’un exercice d’évacuation médicale

Des membres de l’équipe médicale au sein de l’équipage de l’hélicoptère CH-147 Chinook utilisent un échographe portatif pour évaluer l’état d’un pseudo blessé néerlandais (mannequin) lors d’un exercice d’évacuation médicale, à l’appui de l’opérastion PRESENCE – Mali, aux environs de Gao, au Mali, le 31 juillet 2018. Photo : Cplc Jennifer Kusche, Caméra de combat des Forces canadiennes © DND-MDN Canada, 2018

Durant leur jour de congé, ils s’entraînaient et simulaient des scénarios pour améliorer leurs interventions. À l’occasion, ils participaient à des discussions en classe sur différents thèmes liés à la médecine et à l’aviation et suivaient des formations tactiques avec l’infanterie.

« Notre travail consiste avant tout à renforcer la sécurité et à se tenir dans une zone de risque acceptable (que l’on soit en mission ou en entraînement). J’adore évoluer dans cet équilibre et me tenir sur la corde raide, pour ainsi dire. C’est à la fois la partie la plus difficile et la plus agréable de mon travail. »

Découvrez le milieu de travail du Dr McLaren à bord du CH-147F Chinook

Regardez la vidéo du Dr McLaren sur le site Web du ministère de la Défense nationale (5,46 min.).


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