Mise au point d’une technique de trachéostomie sécuritaire pour les patients atteints de la COVID-19
Une équipe de l’Université McGill est à l’origine de ce qui serait probablement l’une des premières techniques mises au point en Amérique du Nord ‒ voire dans le monde entier ‒ pour réaliser une trachéostomie percutanée de façon sécuritaire sur des patients atteints de la COVID-19.
Cette technique ne date pas d’hier, mais suscite beaucoup d’inquiétudes en raison du risque très élevé d’infection des professionnels de la santé. Au début de la propagation de la COVID-19, les hôpitaux du monde entier considéraient que la trachéostomie était l’une des interventions les plus risquées; c’est pourquoi ils l’évitaient ou la reportaient souvent et utilisaient plutôt un respirateur pour soulager les patients durant de longues périodes.
« Cette technique permet de nous concentrer sur les voies respiratoires, qui sont la source du virus, précise Karen Kost, MD, FRCSC, directrice du Laboratoire des troubles de la voix et de dysphagie de l’Université McGill. Si l’intervention est réalisée de façon sécuritaire, elle aide rapidement les patients qui, autrement, auraient besoin d’une ventilation mécanique durant une longue période. »
Risques de la ventilation mécanique
« Nous savons que la présence d’une canule dans la gorge plus de 10 à 14 jours peut causer des dommages à long terme, y compris des problèmes de cicatrisation et des blessures au larynx, ajoute la Dre Kost. Elle a aussi tendance à prolonger le séjour du patient aux soins intensifs. »
« Il faut alors retirer la canule de la gorge et de la bouche en pratiquant une ouverture dans la trachée, à l’avant du cou, explique-t-elle. Ceci accélère le sevrage respiratoire et le patient peut quitter les soins intensifs plus rapidement et ainsi libérer un lit. La trachéostomie peut être une solution pour de nombreux patients atteints de la COVID-19. »
En avril, l’équipe de la Dre Kost a reçu un appel des soins intensifs pour une consultation.
« Ils savaient qu’une trachéostomie sur un patient atteint de la COVID était une source d’inquiétude pour nous, ajoute-t-elle. Il avait été branché à un respirateur pendant environ un mois. Ils s’attendaient à ce qu’il survive et s’inquiétaient du fait qu’il ait été sous respirateur pendant si longtemps. »
« Il avait vraiment besoin d’une trachéostomie et pour moi, il n’était pas logique de l’en priver par crainte de contracter le coronavirus. »

La Dre Kost (extrême gauche) et la« super équipe » de la COVID-19 à l’Univ. McGill.
Minimiser l’exposition au moyen d’une tente adaptée
Nous avons formé une équipe et convenu de la solution pour les patients atteints de la COVID-19 : la trachéostomie serait réalisée aux soins intensifs, au chevet du patient, ce dernier sous une tente, et l’équipe chirurgicale, à l’extérieur de la tente.
« Nous avons trouvé une tente d’inhalation utilisée pour administrer des agents antiviraux », explique la Dre Kost.
L’équipe a modifié la tente en plastique transparent, scellé les ouvertures existantes, percé et scellé d’autres ouvertures pour que le chirurgien puisse y passer les bras. Elle a estimé l’endroit où les ouvertures devaient se trouver, fixé des gants chirurgicaux à ces points d’entrée et pratiqué deux autres ouvertures pour les bras de l’inhalothérapeute.
« Cette intervention exige d’habitude de cinq à six personnes, mais nous l’avons limitée à trois, afin de réduire l’exposition au coronavirus, c.-à-d. le chirurgien, le médecin chargé de la bronchoscopie et l’inhalothérapeute, précise la Dre Kost. Pour atténuer le risque, l’infirmière, placée à plus de deux mètres du patient, était en mesure d’administrer des médicaments par voie intraveineuse. Nous avons réalisé cette intervention au chevet du patient pour éviter de transporter ces patients en état critique vers la salle d’opération. »
Jusqu’à maintenant, l’équipe de la Dre Kost a effectué huit trachéostomies sur des patients ventilés atteints de la COVID-19 et compte en réaliser d’autres. On la consulte maintenant pour savoir si des patients sous respirateur depuis environ 14 jours peuvent subir une trachéostomie.
L’équipe a soumis les détails de l’intervention modifiée aux fins de publication dans l’espoir de faire connaître la technique qu’elle juge la plus sécuritaire pour réaliser une trachéostomie sur de nombreux patients ventilés atteints de la COVID-19.