La soif de s’inspirer des meilleurs

Le 6 novembre 2020 | Auteur : Personnel du Collège royal
Lecture de 5 min

Un gastroentérologue séjourne au Japon pendant sept mois pour apprendre une nouvelle technique

Après 13 ans d’exercice en gastroentérologie, Ralph Lee, MD, MMed(Dist), FRCPC, cherchait à approfondir ses connaissances, à vivre une expérience professionnelle déterminante. C’est ainsi que le médecin d’Ottawa a jeté son dévolu sur l’apprentissage d’une nouvelle technique révolutionnaire de résection des polypes problématiques, souvent surdimensionnés.

Le Dr Ralph Lee (Photo soumise)

En tant que gastroentérologue, le Dr Lee procède souvent à la résection de polypes susceptibles d’évoluer en cancer du côlon. La plupart de ces polypes (90 %) font moins d’un centimètre et peuvent facilement être retirés, mais ceux qui font plus de deux centimètres (5 %) « nécessitent une technique un peu plus pointue », précise-t-il. Certains polypes font même plus de 12 centimètres alors que d’autres sont cicatriciels; dans de tels cas, la difficulté et le niveau de risque augmentent. Certains patients pourraient bénéficier d’une technique d’intervention développée au Japon et couramment utilisée en Asie – mais peu employée en Occident. Le Dr Lee a donc décidé d’apprendre cette technique pour pouvoir l’utiliser au Canada.

Comparer deux interventions

L’intervention la plus pratiquée au Canada, la mucosectomie endoscopique (EMR), consiste à réséquer les gros polypes en plusieurs fragments à l’aide d’une anse diathermique. L’intervention plus invasive que souhaitait apprendre le Dr Lee, la résection sous-muqueuse endoscopique (ESD), consiste à enlever les gros polypes en un seul morceau. Il a été prouvé que, lorsqu’elle est indiquée, l’intervention réduit l’incidence du cancer colorectal et la mortalité qui y est associée.

« Plus certains polypes grossissent, plus ils risquent d’évoluer en cancer, explique le Dr Lee. Lorsqu’un polype envahit la paroi, au-delà de certaines couches, il est considéré comme étant cancéreux. Si l’envahissement est trop profond, la résection endoscopique est impossible, et le patient doit subir une chirurgie. »

Il ajoute que si le polype est retiré en un seul morceau, le pathologiste peut l’observer au microscope pour voir si les marges – latérales et profondes – sont exemptes de lésion; ce constat peut habituellement éviter une chirurgie aux patients.

« Si l’EMR résulte en plusieurs fragments, le pathologiste devra analyser chacun d’eux. C’est comme un casse-tête; étant donné que le pathologiste ne peut pas identifier les marges, il n’est pas en mesure de confirmer qu’elles sont exemptes de polypes. »

L’Orient en avance

« La résection sous-muqueuse endoscopique s’effectue dans la paroi du côlon, qui est très mince; or, les Japonais ont développé une technique qui permet de le faire très rapidement, en toute sécurité. »

Selon le Dr Lee, la meilleure façon d’acquérir cette technique était de séjourner au Japon.

« Des chercheurs ont mené des études sur la résection sous-muqueuse endoscopique; ils ont comparé les médecins formés en Occident et ceux formés en Orient, et ils ont découvert une réelle différence entre les deux. Les médecins formés en Orient et ayant acquis la technique au Japon affichaient des taux de complications inférieurs et de meilleurs taux de réussite parce qu’ils ont appris auprès des véritables maîtres, ceux qui ont mis au point la technique. »

Le Dr Ralph Lee au Château de Kanazawa, à Kanazawa, Ishikawa, au Japon, durant sa sabbatique en novembre 2019. (Photo soumise)

S’inspirer du maître

Le Dr Lee a décidé de prendre une année sabbatique pour suivre les enseignements d’un maître dans cette technique, le professeur Hironori Yamamoto de la Jichi Medical University à Shimotsuke, Tochigi, au Japon. « Sans exagérer, il est probablement l’un des meilleurs au monde, voire LE meilleur en résection sous-muqueuse endoscopique », affirme-t-il.

L’occasion d’aborder le professeur Yamamoto s’est présentée pendant une formation sur la résection sous-muqueuse endoscopique tout près de Chicago, en Illinois.

« Je lui ai demandé si je pouvais passer une année sabbatique en sa compagnie; il m’a brièvement répondu que je ne serais pas rémunéré, mais que c’était possible. »

Le Dr Lee a été très clair dès le départ : il souhaitait non seulement assister aux interventions, mais aussi acquérir de l’expérience pratique. Ainsi, son séjour devrait durer au moins six mois.

Après avoir réglé les formalités, obtenu son visa et conclu des arrangements pour gérer sa pratique à l’Hôpital d’Ottawa, il a dû prendre les dispositions nécessaires pour subsister pendant sept mois sans salaire. « J’ai décidé de prendre mon courage à deux mains et de foncer, » confie-t-il.

Retour à la case départ

Malgré ses titres impressionnants et une formation avancée sur l’EMR suivie à Sydney, en Australie, le Dr Lee a dû repartir à zéro.

« Les Japonais suivent une approche très rigoureuse. Ils croient fermement qu’il faut commencer au bas de l’échelle et gravir les échelons. Comme j’avais suivi une formation avancée en Australie et que je prenais en charge des cas difficiles, je pensais avoir une longueur d’avance. En toute honnêteté, je n’impressionnais personne. Je devais reprendre le processus dès le début, un point c’est tout. »

Il a donc dû se limiter à l’observation et à la préparation de salle pendant les six premières semaines. Puis, l’étudiant a progressé, petit à petit.

« Ils voulaient que je maîtrise chaque étape de l’intervention pour que je sois en mesure de régler moi-même les problèmes éventuels. »

« Pendant les six semaines suivantes, j’étais le deuxième assistant; je ne pratiquais pas d’endoscopie, mais je m’occupais des instruments et des solutés, ce genre de tâches. Par la suite, je suis devenu premier assistant; on ne me confiait toujours pas d’endoscopie en tant que telle, mais je me trouvais juste à côté de la personne chargée de l’intervention. J’insérais notamment les instruments dans le canal de l’endoscope. »

Lorsque les enseignants l’ont jugé apte à la tâche, il a enfin pu réaliser l’intervention lui-même pendant plusieurs semaines.

Comprendre la méthode japonaise

Le Dr Ralph Lee (première rangée, deuxième à partir de la gauche) pendant son congé sabbatique au Japon en 2019, le Professeur Hironori Yamamoto (première rangée, au centre) et les gastroentérologues de la Jichi Medical University. (Photo soumise)

« Au début, c’était frustrant, mais j’ai fini par comprendre pourquoi ils tenaient tant à ce que je respecte les étapes. Ils voulaient que je maîtrise chaque étape de l’intervention pour que je sois en mesure de régler moi-même les problèmes éventuels. Et ils n’avaient pas tort. Au bout d’un certain temps, je savais exactement quels instruments utiliser, à quel moment les utiliser et de quelle façon les utiliser. Je leur en suis très reconnaissant, car je peux maintenant transmettre leurs enseignements à notre personnel infirmier. Je peux mettre en place leurs protocoles, car je m’y suis moi-même soumis. »

« Je croyais à tort qu’en séjournant au Japon pendant six mois, j’excellerais dans cette technique. Aujourd’hui, je pense être suffisamment compétent, mais il me faudra encore plusieurs années pour “maîtriser” la technique. »

Une technique d’appoint au Canada

Selon le Dr Lee, la résection sous-muqueuse endoscopique ne remplace pas les interventions actuellement employées au Canada. Il s’agit plutôt d’une technique d’appoint dans certains cas.

« Cette technique fait des merveilles dans certaines situations. Mais les chercheurs doivent avant tout déterminer quelles lésions sont plus propices à la résection sous-muqueuse endoscopique, et lesquelles nécessitent plutôt une EMR. »

Le Dr Lee a commencé à pratiquer l’intervention au Canada, mais il s’est limité à des cas simples.

« J’ai choisi des cas simples pour m’assurer que le personnel infirmier est formé en conséquence, que l’équipement est efficace et que l’intervention est sécuritaire pour les patients. »

Réaffirmer sa passion pour la médecine

Le Dr Lee considère déjà cette expérience comme une période marquante de sa vie.

« En fin de compte, je n’échangerais cette expérience pour rien au monde, car elle m’a permis de réinventer ma carrière, de réaffirmer ma passion pour la médecine. »

Le Dr Lee est l’un des rares gastroentérologues à s’être rendu au Japon pour apprendre la technique de résection sous-muqueuse endoscopique, et le tout premier endoscopiste formé à l’étranger à avoir suivi une formation pratique auprès du professeur Yamamoto.


Mots-clés


Laissez un commentaire. Afin de réduire le courrier indésirable, les commentaires sont examinés avant d'être affichés.

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Envoyer