La pathologiste judiciaire Kona Williams aborde l’apprentissage de la langue des morts
« Personne dans ma famille n’est médecin; l’école de médecine m’a donc vraiment ouvert les yeux, explique Kona Williams, MD, FRCPC, la seule pathologiste judiciaire d’une Première Nation au Canada. Les premières semaines, c’était un torrent d’information. »
Bien qu’elle ait flirté avec la radiologie, l’anesthésiologie et la médecine d’urgence, la Dre Williams est sans cesse revenue à la pathologie, une décision motivée en grande partie par les conseils d’un professeur et mentor, qui a fini par la convaincre que cette spécialité était à la fois fort diversifiée, intéressante et stimulante.
« Personne ne s’inscrit à l’école de médecine en se disant “super, je vais pouvoir travailler avec des cadavres!” Du moins, pas la plupart des gens! », avoue la Dre Williams en riant.
« J’aime travailler avec mes mains; je bouge beaucoup. Je suis devenue très bonne à résoudre les cas médico-légaux, c’est-à-dire à déterminer les causes de décès. J’aime beaucoup obtenir des réponses, et je me suis dit que cette spécialité me procurerait toutes les réponses… quoique ce ne soit pas toujours le cas. »

La Dre Kona Williams | Crédit: Len Gillis / NOMJ.ca
Jongler avec de nombreux cas et trouver des réponses pour les familles
Afin de poursuivre une carrière dans le domaine récent et émergent de la pathologie judiciaire, la Dre Williams s’est rendue à Toronto après sa résidence pour faire un stage de perfectionnement. C’est là qu’elle — une des deux premières personnes à être formées par d’éminents spécialistes dans un nouveau centre ultramoderne doté d’une technologie haut de gamme et d’une équipe interdisciplinaire — a eu le coup de foudre pour cette surspécialité.
« Je n’aurais pu espérer une meilleure formation. »
L’une des choses qu’elle aime de son travail, c’est qu’il n’est jamais ennuyeux. Elle passe parfois la journée à la morgue ou en cour, pour livrer un témoignage d’expert. D’autres fois, elle donne des cours magistraux ou enseigne à des étudiants qui passent par le laboratoire. À de rares occasions, elle a le temps de remplir des papiers pour le travail. Son rôle de directrice médicale du Service de médecine de laboratoire et de pathologie d’Horizon Santé-Nord la tient aussi occupée.
« Je gère habituellement de 40 à 50 cas, qui en sont à différentes étapes. Lorsque j’obtiens des résultats, je dois me rappeler quels renseignements se rapportent à quels cas et me concentrer sur ces cas. Il faut avoir de solides aptitudes de gestion du temps. »
La Dre Williams est motivée par le désir de trouver des réponses pour les familles. Parfois, c’est simple. D’autres fois, le cas fait partie des 2 ou 3 % de situations où il n’y a pas suffisamment d’information ou pas encore suffisamment d’information pour déterminer la cause du décès (par exemple, un squelette trouvé dans les bois ou la mort soudaine et inexpliquée d’un nourrisson). La documentation minutieuse et détaillée des renseignements pourrait un jour permettre de résoudre de tels cas, lorsque de nouveaux détails ou de nouvelles technologies seront disponibles.
« J’aime le défi de trouver comment quelqu’un est mort. Lorsqu’une personne se rend à la clinique, on peut lui parler, ce qui n’est pas possible avec des cadavres. Les cadavres parlent une langue différente, et c’est à nous de l’interpréter et de nous rapprocher le plus possible de la vérité. »
Guider la prochaine génération et se faire connaître à la Société Radio-Canada (SRC)
Le père de la Dre Williams est Cri et sa mère, Mohawk. Elle respecte la responsabilité et le privilège de « faire partie », pour ainsi dire, d’un processus d’enquête dont les peuples autochtones ont été essentiellement exclus.
« C’est pourquoi j’essaie de guider les jeunes étudiants autochtones pour qu’ils se joignent à moi et poursuivent une carrière en pathologie judiciaire. C’est beaucoup de travail pour une personne. Je ne veux pas être la seule pathologiste judiciaire d’une Première Nation à s’être lancée dans ce domaine en 10 ans. »
Entre-temps, elle continuera de disséquer, de vérifier et d’interpréter des résultats, en consultant une importante communauté d’experts médicaux et de spécialistes du droit, pour tenter de résoudre ses cas et de trouver des réponses — et peut-être aussi réussir à apporter une touche de réalisme à l’image répandue de son travail.
« Je suis sans cesse frustrée par l’image que donne la télévision de ma profession — le cœur ne ressemble même pas à ça! », dit-elle en rigolant.
« Il faut parfois des mois pour recevoir les résultats de tests et réunir tous les morceaux du casse-tête. Je comprends qu’ils doivent prendre une certaine liberté créatrice, sans quoi leurs émissions seraient ennuyeuses, mais les gens de la SRC ont eu affaire à moi à quelques reprises. Ils sont toujours très gentils, mais je suis certaine qu’ils me connaissent là-bas », confie-t-elle, un sourire dans la voix.