La Dre Esther Tailfeathers reçoit le Prix Dr Thomas Dignan en santé des Autochtones

Le 21 juin 2019 | Auteur : Personnel du Collège royal
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Esther Tailfeathers, MD, n’envisageait pas du tout faire carrière en médecine.

« Je ne pensais pas en avoir la capacité », confie-t-elle. « J’ai donc suivi un programme d’études autochtones; c’était vraiment important pour moi. »

Mais le vent a tourné en 1987.

Elle vivait alors en Norvège; son frère, étudiant de troisième année en médecine à l’Université de l’Alberta et tout premier étudiant autochtone déclaré, a perdu la vie dans un accident de voiture.

« La semaine précédant son décès, nous nous sommes parlé au téléphone et il m’a dit : “Es, tu devrais vraiment t’inscrire en médecine. C’est très valorisant et tu en es aussi capable que moi.ʺ » Il a insisté sur le manque d’Autochtones dans le domaine de la santé.

« Je suis revenue au pays pour les funérailles et j’ai réalisé l’importance d’avoir accès à nos propres professionnels de la santé – personnel infirmier, médecins – parce qu’ils comprennent nos conditions de vie et l’état de santé de notre peuple », admet-elle.

Dr. Esther Tailfeathers (crédit photo: University of Lethbridge)

La Dre Esther Tailfeathers (crédit photo: University of Lethbridge)

L’effet d’entraînement qui assure l’équité en santé

La Dre Tailfeathers est retournée aux sources, à Standoff, en Alberta, où elle pratique la médecine familiale; elle a aussi assuré des services 7 jours par semaine et 24 heures sur 24 à Fort Chipewyan, à raison d’une semaine par mois. Elle est la responsable médicale autochtone du Programme de santé autochtone des Services de santé de l’Alberta, et médecin en salle d’urgence à Cardston, en Alberta.

« Elle a un réel effet d’entraînement sur nous tous; d’autres générations de médecins autochtones suivent ses traces pour en faire davantage », affirme Cara Bablitz, MD, CCMF, de l’Indigenous Wellness Clinic de l’hôpital Royal Alexandra, à Edmonton. « Elle fut pour moi une source d’inspiration, au même titre qu’une foule d’autres médecins autochtones dont l’objectif commun est d’améliorer la santé de notre peuple. »

En reconnaissance de sa contribution exceptionnelle à l’amélioration des soins de santé aux Autochtones du Canada, le Collège royal décerne le Prix Dr Thomas Dignan en santé des Autochtones de cette année à la Dre Tailfeathers.

Pionnière de la lutte contre les opioïdes

La crise du fentanyl est l’un des plus grands problèmes auxquels la Dre Tailfeathers a dû faire face durant sa carrière médicale. Elle a mené la lutte contre ce fléau bien avant que le reste du Canada ne réalise son ampleur.

Au plus fort de la crise en 2014, à Stand Off, on dénombrait six à huit décès par surdose chaque mois.

« Nous avons introduit les trousses de naloxone, chose qu’aucune autre communauté autochtone du Canada ne faisait alors », relate-t-elle.

Grâce à la Dre Tailfeathers, les taux de surdose ont chuté de 45 à 11 par mois. Elle a notamment instauré une thérapie de remplacement des opioïdes en prescrivant du suboxone, ouvert un centre de sevrage sécuritaire et mis en place des initiatives communautaires pour remédier aux problèmes sociaux découlant de la crise.

L’expérience qu’elle a acquise durant cette crise l’a incitée encore plus à aider les professionnels de la santé à mieux reconnaître et comprendre les déterminants sociaux de la santé. Selon elle, il faut porter une attention particulière aux traumatismes émotionnels et mentaux associés à la dépendance et à d’autres maladies, notamment les séquelles profondes du système de pensionnats.

« On traite la douleur émotionnelle qui se manifeste sous forme de douleur physique avec des opioïdes », explique-t-elle. « Il nous faut davantage de ressources en santé mentale et émotionnelle. Les gens s’automédicamentent pratiquement eux-mêmes pour soulager leur traumatisme. »

 

La Dre Tailfeathers informe les jeunes et les membres de la communauté des dangers de l’abus de drogues (2015) (crédit photo: Blood Tribe, Youtube)

La Dre Tailfeathers informe les jeunes et les membres de la communauté des dangers de l’abus de drogues (2015) (crédit photo: Blood Tribe, Youtube)

Respecter la tradition en se tournant vers l’avenir

Aujourd’hui, la Dre Tailfeathers se réjouit de l’enthousiasme que manifestent les jeunes Autochtones à l’égard de leurs traditions, de leur langue et de leur culture — une forme de respect qui, selon elle, contribuera au bien-être des communautés.

« Les jeunes s’instruisent beaucoup au sujet de la valeur des traditions et de l’importance de la compassion et de l’entraide. Les mentalités ont réellement changé au sein de nos communautés. »

Les nouveaux modèles de santé des Autochtones qui sont instaurés partout au pays l’inspirent également. Elle cite en exemple la nouvelle Autorité des services de santé autochtones de la Colombie-Britannique, où les peuples autochtones participent à la prise de décisions et à la prestation des soins de santé.

La Dre Tailfeathers accorde beaucoup d’importance à son rôle de modèle pour les jeunes Autochtones et les gens qui l’entourent.

« Je crois qu’il est très important d’avoir des modèles concrets. Les enfants ne réalisent pas ce qu’ils peuvent accomplir tant qu’ils n’ont pas rencontré quelqu’un à qui ils peuvent s’identifier dans leur communauté. »

Elle est convaincue que l’essor des professionnels de la santé autochtones entraînera de meilleurs résultats pour la santé, compte tenu du niveau de confiance accru qu’ils inspirent.

« À force de la regarder évoluer dans la communauté où elle a grandi, j’ai réalisé à quel point je pourrais contribuer à ma propre communauté, en tant que médecin autochtone », explique Nicole Cardinal, MD. La Dre Tailfeathers l’a inspirée et c’est notamment grâce à elle qu’elle est retournée dans sa communauté de Saddle Lake pour exercer la médecine.

La Dre Tailfeathers présente « les conséquences de la colonisation sur la santé des Autochtones » à l’Université de Calgary, 2016 (crédit photo: REDx Talks, Vimeo)

La Dre Tailfeathers présente « les conséquences de la colonisation sur la santé des Autochtones » à l’Université de Calgary, 2016 (crédit photo: REDx Talks, Vimeo)


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