En souvenir : un Associé du Collège royal rend hommage à son collègue, Jules Hardy
Par Dr Gérard Mohr
Originaire de Sorel, Jules Hardy, OC, OQ, MD, FRCSC, un neurochirurgien de réputation internationale ayant fait l’essentiel de sa carrière à l’Hôpital Notre-Dame de Montréal, est décédé le 28 octobre 2022 à l’âge de 90 ans. Jusqu’à sa retraite, il était professeur titulaire au Département de chirurgie de l’Université de Montréal et membre associé de l’Hôpital Général de Montréal et de l’Université McGill.
Avec lui disparaît l’un des derniers géants de la neurochirurgie du 20e siècle dont les découvertes fondamentales et les innovations techniques dans le domaine du traitement microchirurgical transsphénoïdal des tumeurs hypophysaires ont influencé non seulement l’évolution de cette spécialité à l’échelle planétaire, mais aussi celle de la neuroendocrinologie en général.
Tout d’abord, à partir de 1962, à la suite d’un séjour d’une année à Paris avec le professeur Gérard Guiot de l’Hôpital Foch, pionnier de la chirurgie transnasale de l’hypophyse, il fut le premier à utiliser le microscope opératoire dans ce type de chirurgie. Cette approche mena à la possibilité de sauvegarder la glande normale dans la plupart des adénomes hypophysaires, épargnant aux patients une insuffisance hypophysaire permanente. Peu après, grâce au grossissement optique, le Dr Hardy réussit à identifier et à enlever sélectivement de toutes petites lésions qu’il baptisa « micro-adénomes », restituant ainsi la fertilité d’innombrables femmes atteintes d’aménorrhée-galactorrhée (adénomes à prolactine) et guérissant de nombreux malades atteints d’acromégalie (adénomes à hormone de croissance) et de maladie de Cushing (adénomes à hormone corticotrope) dont l’imagerie de l’époque ne permettait pas de déceler la présence. Ce concept révolutionnaire se heurta initialement à un vigoureux scepticisme et il lui fallut faire preuve de persévérance et de persuasion pendant une dizaine d’années avant qu’il ne soit universellement accepté.
En 1971, soit à l’âge de seulement 39 ans, il publiait dans le prestigieux Journal of Neurosurgery un article sur son expérience de 300 cas de microchirurgie de l’hypophyse qui reste une référence dans l’histoire de la neurochirurgie. Sa classification des tumeurs de l’hypophyse élaborée avec son ami neuroradiologue le Dr Jean-Lorrain Vézina est encore universellement utilisée. Les micro-instruments originaux en forme de baïonnette qu’il mit au point, adaptés au couloir chirurgical étroit et profond, furent universellement adoptés sous le vocable d’« instrumentation de Hardy ».
Grâce à son dynamisme, à ses exceptionnelles qualités de chirurgien et à ses dons de communicateur et d’enseignant, il avait fait de Montréal à partir de 1970 jusqu’en 2000 un pôle d’attraction international pour les patients et pour les neurochirurgiens désireux d’apprendre ses techniques, sans compter ses innombrables conférences et démonstrations opératoires à titre de professeur invité dans les centres universitaires du monde entier. Grâce à lui, l’équipe d’endocrinologie de l’Hôpital Notre-Dame acquit une envergure internationale, ainsi que sa collègue neuropathologiste, la Dre Françoise Robert. À la fin de sa carrière, il avait opéré plus de 3500 patients par voie transsphénoïdale, soit une des plus importantes séries mondiales.
Ses contributions majeures lui valurent de nombreuses distinctions nationales et internationales, dont l’Ordre du Canada en 1987, l’Ordre national du Québec en 1989, un doctorat honorifique de l’université de Guadalajara en 1982, l’Ordre de Rio Branco du Brésil et la médaille d’honneur de la World Federation of Neurosurgical Societies en 1997, pour ne citer que les plus importantes. En juin 2012, le congrès de la International Society of Pituitary Surgeons fut tenu à Montréal en son honneur pour marquer le 50e anniversaire de son introduction de la microchirurgie de l’hypophyse.
Comme l’a dit son beau-frère Raul Marino, un neurochirurgien brésilien renommé de Sao Paulo, il a été et restera « le maître chirurgien de la glande maîtresse ». Il laisse un legs scientifique considérable à la communauté médicale et neurochirurgicale du Québec, du Canada et du monde entier, mais assurément aussi un grand vide parmi ses proches, ses collègues et ses nombreux anciens élèves.
Lui survivent dans le deuil son épouse Vera (née Marino), sa belle-fille Patricia et enfants, ses filles d’un premier mariage Joanne, Guylaine, Julie et leurs enfants, ainsi que ses sœurs Louise et Hélène et leurs familles.
Dr Gérard Mohr, MD, FRCSC, FAANS(L)
Chef honoraire de neurochirurgie, Hôpital général juif, Montréal
Professeur honoraire de neurochirurgie, Université McGill